Les hauts et les bas… et les pantalons

Comme le disait Jack Nicholson dans The Shining : “I’m baaaack!”

Extrait de mon journal de bord.

Maudite compulsion

Aujourd’hui, j’avais mon rendez-vous avec la psy. Il y a 2 semaines, je pétais le feu. J’étais pleine d’espoir et je voyais de la lumière. Mais depuis quelques jours, le ciel s’est assombri. J’ai des compulsions alimentaires plus souvent que dans les premières semaines. Même si je n’ai pas faim, je veux MANGER!!!!!!! Parfois, je me promène du réfrigérateur au garde-manger, et je cherche quelque chose pour m’apaiser. De quoi? Je ne sais pas. J’ai juste le goût de manger. 

Parfois, je laisse la compulsion prendre le dessus et je mange. Par chance, la pelle est restée dans la remise et je mange peu, mais pas par plaisir, pas par faim, mais dans le but de me calmer, d’enlever un malaise sournois, innommable. D’autres fois, je réussis à repousser l’envie, et je me change les pensées. 

Je vois cette compulsion comme un échec, comme un mauvais présage. Et je me hais. Et je déteste me haïr. 

La psy, qui a accès à mon journal de bord quotidien, a vu la descente et m’en a parlé. Elle me dit de ne pas m’en faire, que c’est normal, que ça fait partie du processus. Mais moi, tout ce que je veux c’est me remettre au régime strict, perdre le poids en trop, puis ensuite revenir à ma thérapie. C’est comme un drogué qui veut une dernière dose avant d’entrer au centre de désintox. Il paraît que c’est normal ça aussi. Mais moi, je me sens anormale, comme si j’allais encore frapper un mur.

On explore donc un peu mes pensées, mes comportements, mes malaises. Elle insiste sur le fait que ce malaise est normal puisque je ne veux plus m’apaiser avec la nourriture. Et vu que cette façon de faire fait partie de ma vie depuis si longtemps, cette envie de compenser et de compulser refait surface. 

De la compulsion aux pantalons

Elle voit que j’ai une haine profonde pour mon corps, que je n’arrive pas à lui donner un “break”, à lui faire confiance, à l’aimer. Je lui parle de mes vêtements, et du fait que chaque maudit matin, je déteste ouvrir la garde-robe pour trouver quelque chose que je peux mettre et dans lequel je ne me trouverai pas moche (pas une mince affaire!!!). Quatre-vingt-dix pour cent de mes vêtements ne me font plus. Et je n’ai plus de boîtes de linge de “gros” qui m’attendent au sous-sol. Lors de la dernière perte de poids, je ne gardais absolument rien, car pour moi, c’était enfin terminé tout ça. 

La psy me suggère de m’acheter d’autres vêtements. Hell, no!!!!! Pas question! Ça serait comme si j’acceptais ce corps dans lequel je suis emprisonnée. Non, pas question d’abdiquer. Mais en même temps, quand tu as un trouble alimentaire, tu dois dire au revoir aux régimes. Alors comment faire pour perdre ce poids? La psy m’explique que ce qui compte pour le moment, c’est de me rétablir. Ensuite, il y a des moyens naturels et sains de perdre du poids sans retomber dans le trouble alimentaire. Ok, je vais te croire, mais QUAND????? J’ai l’impression que ça ne sera pas de sitôt. 

J’ai de la peine. C’est comme si je fais un deuil. Je me sens prise au piège, mais de moi-même. Mais quelle idée j’ai eu de vouloir me guérir de mon trouble alimentaire? What was I thinking? 

La psy me suggère d’éviter les situations qui déclenchent en moi une haine de mon corps, comme lorsque je me lève du trône après avoir pissé et qu’en relevant mes culottes, je vois mon ventre devant le miroir. Je frissonne à chaque fois. Je ne fais que regarder ce ventre que je méprise. Alors, que faire, hein? Je ne dois plus aller pisser dans cette salle de bain? Je dois faire semblant que ce miroir de la mort n’existe pas? Non, qu’elle me dit, mais peut-être dois-je trouver un moyen de mettre un peu d’amour là-dedans. 

Ok.

Je décide donc que dorénavant, je vais faire quelque chose de “cucu”, de “kitsch”, de “kétaine”. Quand je vais me voir dans un miroir et que je vais me surprendre à maudire mon ventre,  je vais lever mon regard vers mon visage (au moins, je ne le déteste pas, quoique je vieillis, donc je commence à prendre une débarque à ce chapitre). Et, en me regardant dans les yeux, je vais me dire “Je t’aime”. Ouais, aussi con que ça. Je vais me sentir ridicule, mais, bon, il faut ce qu’il faut, comme dirait l’autre… 

Elle me demande de porter attention à toutes les fois où quelque chose déclenche cette haine et de lui en faire part par courriel jusqu’à notre prochain rendez-vous. Ok, ça me va aussi. Ça va être laid, ma p’tite dame.

Puis, là, elle me dit que pour ma garde-robe, je devrais mettre TOUS les vêtements qui ne me font plus dans une boîte et ne garder que ce qui me fait. Bon, ça veut dire qu’on va pouvoir recommencer à y jouer à la cachette dans la garde-robe, car il va y avoir de la place en masse. 

Mais là, quand j’y pense, j’ai le goût de pleurer. D’ailleurs, c’est ce que je fais en lui parlant. Ça hurle en dedans de moi. Comment ai-je pu l’échapper encore et me retrouver dans cette situation? Tous ces vêtements, je les adorais, je me trouvais belle dedans. Et là, je suis de nouveau boulotte avec des vêtements de “matante”. Juste à penser à mettre ces vêtements dans une boîte, mon coeur se brise. C’est comme si j’allais enterrer la belle fille, celle que j’avais enfin pu être. Et les larmes coulent et coulent. Je lui dis que je ne sais pas comment je vais gérer toutes ces émotions qui vont monter. Non, mais, je vais exploser! Elle me dit que ce sera le moment parfait pour faire quelque chose d’aimant envers moi-même. Elle me conseille toutefois de décider AVANT le grand nettoyage ce que je pourrais faire tout de suite après pour me divertir et m’apaiser (sans bouffe, à froid, évidemment). Elle dit qu’on doit être préparé quand on sait qu’on va vivre de grandes émotions. À vif, on s’écorche et on se flagelle si on n’a pas un plan B. 

Se montrer de l’amour, c’est pas évident quand on est en feu en dedans. Je vais donc devoir me préparer 1) à souffrir et 2) à me montrer de l’amour. Parfois, faut souffrir pour enfin arriver à s’aimer. Weird as fuck.

Cette rencontre a eu lieu dans la semaine du 20 octobre. Le 25 octobre, après y avoir réfléchi chaque jour, je l’ai fait. J’ai essayé chaque vêtement pour voir ce qui me faisait encore. Chaque morceau. Grrrr. Mais, étrangement, ça s’est bien passé. J’étais prête et j’avais prévu une activité aimante à faire si jamais mon degré de haine et de tristesse devait être trop fort par la suite. Je n’en ai pas eu besoin. Quand j’ai fermé la boîte, j’ai regardé ma garde-robe, satisfaite de n’y voir enfin que des vêtements qui me font. C’était pas mal plus joyeux que le contraire. Pour le moment, la boîte est rangée, et je suis en paix. 

Comme tu peux le voir, ce chemin que j’emprunte n’est pas toujours la joie, mais c’est important pour moi de partager ça, car je sais que je ne suis pas seule. Si tu es comme moi et que tu as changé de garde-robe plus souvent que Claudia Schiffer, tu comprends ce que je viens de vivre. C’est une étape à la fois, dans la bienveillance autant que possible.

Ah oui, j’oubliais. Je me suis quand même acheté deux nouveaux vêtements, et je continue de me faire des “Je t’aime” dans le miroir (et d’en rire chaque fois). Il n’y a pas eu de transformation miraculeuse, mais j’avoue que j’ai l’impression de moins le détester ce bide. Ah ben, ah ben.