J’ai commencé ma thérapie avec une clinique privée le 19 septembre, mais j’ai eu un entretien avec la psychologue le 15 septembre. C’est à ce moment-là que nous avons discuté et qu’elle a pu valider que j’avais un trouble alimentaire. Elle m’a aussi transmis des documents à lire en attendant que la thérapie en ligne soit accessible. J’ai opté pour suivre une thérapie en ligne – capsules quotidiennes présentées par différents intervenants – et pour avoir des séances au téléphone avec la psychologue et la nutritionniste. 

J’avoue que ça m’a brassée pas mal quand j’ai su que je devais parler avec une nutritionniste… D’abord, la dernière fois que j’en ai vu une, j’avais 8 ans et elle me mettait au régime à 1 500 calories par jour. Pas besoin de te dire que je ne leur fais pas trop confiance. De plus, pour les adeptes de l’alimentation cétogène, on sait que trop bien que les nutritionnistes voient ce mode alimentaire comme le diable en personne. Je n’avais pas trop trop hâte. J’avais même averti la psychologue de dire à la nutritionniste de ne pas s’étonner si j’étais sur la défensive et réfractaire. Super gentille, la dame m’a écoutée et m’a expliqué un peu comment on traite un trouble alimentaire. J’ai eu des chocs et j’avoue avoir été fermée à bien des choses… Mais je restais ouverte à en essayer.

On peut dire que le début de la thérapie  n’a pas été sans heurt pour moi. Plus de 40 ans de régimes, ça laisse des marques. Mais j’étais devant un fait : je ne pouvais pas continuer comme je l’avais toujours fait, car je reviens toujours à la case zéro. N’est-ce pas Einstein qui a dit “La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.”.? Ben, je n’allais pas me comporter comme une folle…

Nous avons parlé de trois choses à mettre en place dès le début : manger trois repas par jour, prendre TROIS collations par jour (composée de glucides! et de protéines) et le fait qu’on ne peut pas se fier à nos signaux de faim quand on a passé sa vie à les ignorer et les combattre. Oupelaï. 

Primo, je ne déjeunais JAMAIS. Je faisais tous les jours des jeûnes de 16 heures, donc pas de déjeuner. Je lui ai dit que de toute façon, je n’avais pas faim le matin. Bon, tiens, dans les dents.

Secundo, je ne mange JAMAIS entre les repas (quand je suis une bonne fille, évidemment). J’estime que si je mange suffisamment de bons aliments nutritifs aux repas (mes deux repas), je ne devrais pas avoir faim. Point. Got it, ma belle?

Tertio, je SAIS quand j’ai faim, donc, oui madame, j’ai rien à apprendre là-dessus.

Pour terminer, je lui ai dit que, moi, j’aime manger faible en glucides. Ok pour abandonner les jeûnes, mais je ne me sens juste pas bien quand je mange full glucides. Elle a dit ok (est-ce qu’elle avait le choix?) Après tout, si j’avais été végane, on m’aurait écoeurée? J’pense pas.

Elle a dû se dire que j’étais une vraie conne. Pourquoi venir chercher de l’aide si c’est pour faire comme avant? Mais bon, elle est restée super gentille et a réussi à me soutirer ces compromis :

  • J’allais faire un EFFORT pour manger le matin SI j’avais l’impression que mon corps avait vraiment faim.
  • J’allais prendre une collation, mais pas bourrée de glucides, et SEULEMENT si je sentais la faim.
  • J’allais être en mode écoute active de mon corps pour voir quels sont ses besoins. 
  • J’allais m’éloigner des interdits.

Constat?

Ben, crime de marde, j’avais faim le matin finalement. C’est juste que j’étais tellement habituée à ignorer cette faim qu’elle passait inaperçue. Depuis le 19 septembre, je mange tous les matins. Pis j’aime ça. On se calme Madame La Nutritionniste, tout n’est pas gagné! 

Je ne prends pas 3 collations par jour, car je n’ai honnêtement pas toujours faim, ni même un tout petit peu. Mais quand je sens un soupçon de faim, je prends une petite collation céto. Et étrangement, mon énergie reste stable (il faut savoir que dans le monde céto, bien des gens disent que si tu prends des collations, tu perds les bienfaits de l’alimentation cétogène).  

J’ai effectivement été étonnée de voir que mon corps me réclamait de la nourriture plus souvent que je ne le croyais. J’ai aussi appris à entendre le chuchotement de la faim au lieu d’attendre qu’elle me crie dans les oreilles. 

J’ai commencé à apprivoiser les “interdits” (pain, pâtes, patates). La seule condition que je me suis imposée, c’est d’être vraiment certaine que c’est ça que je désires vraiment sur le coup. Étonnamment, je n’en ai pas mangé beaucoup. À l’’occasion, et chaque fois c’était délicieux. 

Pour ce qui est des crises d’hyperphagie, j’en ai fait 3 entre le 15 et 30 septembre. Méchante amélioration. De plus, les crises étaient moins majeures que celles dans les derniers mois. J’outremangeais, mais pas avec une pelle à neige. Plus comme avec une truelle de jardin. Yes.

Pendant mon suivi psychologique, on parle souvent de mes peurs. En voici quelques-unes à ce stade-ci :

J’ai peur d’être tout feu tout flamme pendant ma thérapie et de finir par échouer et me saboter quand la vie reprendra un peu plus son cours normal. Ma psy dit que c’est normal de penser ça et que ça passera avec le temps. À voir.

Puisqu’une hyperphagique boulimique ne doit plus envisager de régime (en raison des restrictions qui déclenchent des crises), j’ai peur de ne pas pouvoir perdre du poids. J’ai passé ma vie à être au régime, et je me demande comment je perdrai le poids excédentaire… Je n’ai pas encore de réponse. Je vis avec la peur d’être “pognée” dans ce corps. L’image corporelle sera un sujet adressé plus tard dans la thérapie. Cette peur m’étouffe. 

Je me rends compte que la faim psychologique est terrible. Quand elle me prend, elle me contrôle. La seule chose que j’arrive à faire actuellement est de l’observer, d’essayer de comprendre ce qu’elle me dit et quel besoin j’essaie de combler avec la bouffe. 

J’essaie de voir ce qui cause mes élans de compulsion. Au moment où je crois avoir trouvé LA raison, une autre apparaît. J’en suis venue à comprendre que plus le trouble alimentaire remonte dans le temps, plus il y a de raisons pour outremanger. Je mange trop quand je suis triste, quand je suis heureuse, quand je m’ennuie, quand je célèbre, quand je suis stressée, etc. La meilleure chose à faire pour moi actuellement est d’observer sans juger, sans flagellation. Juste observer et accueillir, même quand ça fait mal.

On m’a donné quelques exercices de réflexion à faire. En voici les grandes lignes.

Exercice sur mon niveau de motivation : je devais voir quelles sont les raisons qui me motivent à faire cette démarche (mon why) et quels sont les inconvénients d’une telle démarche. C’est intéressant de voir ce qui nous empêche d’aller de l’avant. 

Exercice pour dresser une liste de collations qui pourraient me plaire et me convenir. Ainsi, je suis prête quand la petite faim se pointe la face, au lieu de piger au hasard et risquer une dérape. N’oublions pas que chaque prise alimentaire peut entraîner une débandade… donc faut prévoir. 

Exercice sur les pensées négatives qui tournent en boucle dans notre tête quand on mange. Il s’agit ici de les énumérer et voir ce qu’on pourrait se dire à la place. 

Exercice sur les conséquences et les impacts que l’hyperphagie boulimique a eu dans ma vie. Par exemple, j’ai noté que mon besoin d’outremanger me pose problème au restaurant, car je ne veux pas que les gens remarquent que je mange trop. Donc, il arrive que je ne veuille pas manger avec d’autres personnes. 

Exercice sur mes craintes psychologiques et physiques. Comme je l’ai dit plus haut, j’ai peur de ne plus pouvoir maigrir. J’ai peur de ne plus avoir de “high” comme avant lorsque j’avais une semaine où j’avais perdu du poids. J’ai peur d’avoir à refaire ma garde-robe, etc.

Voici ce que j’ai retiré des premières semaines de thérapie :

L’hyperphagie boulimique est plus souvent qu’autrement le résultat d’années de régimes et de restrictions qui ont perturbé la relation que nous avons avec la nourriture. Le premier conseil qu’on nous donne, c’est de lever les interdits. Point final. 

Repas : Je dois me pratiquer à prendre trois repas par jour, car le corps a besoin de réapprendre à me faire confiance, que je vais le nourrir quand il en a besoin

Collations : Je dois tenter de prendre des collations pour éviter d’arriver affamée aux repas (la faim qui crie dans les oreilles). Une des raisons d’introduire les collations, c’est pour briser le cycle infernal de la restriction, qui donne lieu au besoin de contrôle, qui amène la perte de contrôle et le retour à la restriction.

Variété : Je dois mettre l’accent sur la variété en enlevant les interdits. Après des années de restrictions physiques et psychologiques, il faut réapprendre à se détendre autour de la nourriture.  Tout est une question d’équilibre.

Signaux de la faim : quand on les a ignorés longtemps, il peut être difficile de reconnaître les chuchotements de la faim, et c’est pourtant là qu’il faut agir. Quand la faim est PHYSIQUE, on le ressent dans le corps. Donc, je tente de me mettre à l’écoute. 

Dégustation : Prendre le TEMPS de savourer n’est pas une mince affaire. Chaque fois que je mange, j’essaie de prendre quelques secondes (pas capable de plus pour le moment) pour me poser ces questions :  Ça goûte quoi? Est-ce que j’aime vraiment le goût? 

Un repas à la fois : les thérapeutes insistent pour qu’on aborde un repas à la fois, séparé de l’autre. J’ai passé ma vie à me punir si je débordais lors d’un repas en me mettant plus de restrictions ou encore en sortant la pelle pour manger au prochain.  On mange chaque repas en évaluant son niveau de faim et de satiété séparément. On ne se dit pas “demain, je ferai mieux”. On se dit “au prochain repas, je m’écouterai davantage”, c’est tout. Ça évite ainsi de se dire “tant qu’à avoir outremangé, je peux continuer, car demain je me reprendrai”. On mange, et on passe au prochain sans penser au précédent, ni au suivant. Un repas à la fois. 

Question positive : Une belle question à se poser est : “Est-ce que j’agis actuellement dans le sens de ma guérison?”. Ça permet de recadrer les choses. C’est pas miraculeux, mais c’est une belle phrase positive qui ne cherche pas à culpabiliser. On peut dire oui, ou non. C’est tout.

Déjouer la compulsion : Quand la compulsion me prend, j’essaie de faire “pause” sur ce que je fais et je cherche à faire quelque chose d’autre, que ce soit pour 5 minutes ou 1 heure, on s’en fout. L’idée est de se changer les idées. Il m’est arrivé d’être en train de regarder ma série préférée et de sentir la compulsion pointer son nez. Puis, si l’envie était forte et que je sentais que je pouvais encore lui résister, j’allais faire quelque chose d’autre (p. ex., j’ai été faire un dessin dans une autre pièce, puis je suis revenue à mon émission après).

Suivre le guide alimentaire canadien : je suis désolée, mais pour le moment, ce n’est pas pour moi. Je mange faible en glucides, j’essaie d’être à l’écoute des besoins de mon corps, point. C’est lui mon guide alimentaire canadien…

Journal de bord : Une chose qui m’aide en début de parcours est d’écrire un bilan de ma journée. J’écris ce que j’ai mangé, comment je me suis sentie face à mon alimentation et ce que j’ai vécu dans la journée sur le plan psychologique. Ça m’aide à faire des liens. On m’a conseillé de TOUJOURS trouver des choses positives à dire sur moi et ma journée, afin de renforcer mon image de soi. Je finis donc chaque bilan journalier avec une rubrique qui s’intitule “Points forts”, et j’essaie d’en trouver (p. ex. avoir réussi à ne pas me culpabiliser en mangeant l’aliment X”). C’est cucu, mais c’est efficace.

Le plaisir : J’essaie de manger le plus souvent possible ce qui me plairait au niveau gustatif (tout en tentant de choisir des aliments qui me conviennent et qui m’aident à me sentir bien). La psy et la nutritionniste insistent sur le besoin d’avoir du plaisir quand on mange. Amen.

La balance : On nous conseille de ne plus nous peser.  Pourquoi? Parce que ma valeur ne tient pas à un chiffre. Je dois pouvoir profiter du fait que je me sens bien une journée sans que cela ne soit influencé par un chiffre arbitraire. Je ne me suis pas pesée, bien que la tentation a été forte.

Voilà qui conclut mon bilan des premières semaines de ma thérapie. J’imagine que les autres seront moins volumineux, mais qui sait?