J’ai atteint le fond du baril en septembre 2020, le 5 septembre 2020 pour être exacte. Avant de t’expliquer ce qui s’est passé, je dois te camper le contexte.

Dans mon précédent livre La p’tite grosse d’à côté a enfin maigri pour de bon; l’aventure cétogène d’une bibitte à sucre, j’ai raconté ma longue et éprouvante bataille avec mon poids depuis l’âge de 8 ans et comment j’ai fait pour perdre 93 livres en adoptant une alimentation cétogène. J’étais certaine que j’avais enfin trouvé le mode alimentaire qui me convenait. C’était rassasiant et délicieux et m’avait permis d’atteindre un poids idéal. En février 2019, je me sentais au top et en contrôle.

J’avais suivi la version stricte de ce mode alimentaire et j’en étais rendu au maintien. Je n’avais qu’à me détendre un peu tout en suivant les grands principes. Simple, non?

En mars 2019, je suis allée en croisière et j’ai fait quelques écarts alimentaires, mais je me sentais confiante. Je maîtrisais la situation. C’est pourtant là que mon démon intérieur s’est réveillé et a commencé à reprendre le dessus. J’ai recommencé tranquillement à outremanger. Au début, c’était en mangeant trop d’aliments cétogènes. Puis, le cercle s’est élargi vers tous les  autres aliments (croustilles, frites, sucreries, etc.).

En août 2019, j’ai donné une conférence au Keto-Fest de Québec, et j’ai candidement dit aux gens que j’avais repris 6 livres, mais en leur disant que c’était ok, que je n’avais pas à me sentir mal, que c’était la vie. Je me mentais à chaque respiration. Je le savais en dedans de moi que le cycle infernal recommençait, mais j’ai voulu faire l’autruche. Après tout, j’adorais la façon dont je m’alimentais, donc je ne pouvais pas tomber!  Erreur du lanceur.

En mars 2020, au moment de l’arrivée de la COVID-19, j’avais repris une quinzaine de livres. Je me disais tous les jours que je reprendrais mes bonnes habitudes ce jour même… mais ça ne durait pas plus de deux jours, et les écarts se sont amplifiés en volume et fréquence. Quand on est en confinement, personne ne nous voit ouvrir le réfrigérateur ou le garde-manger, et la bouffe est là partout autour. 

Tranquillement, de moins en moins de vêtements me faisaient, la honte augmentait et je faisais tout pour éviter de rencontrer des gens, par peur qu’ils voient que j’avais engraissé et qu’au fond,  j’étais un imposteur. La vente de mes livres continuait d’aller bon train alors que je m’empiffrais. Ma souffrance psychologique s’intensifiait. Et plus je souffrais, plus je mangeais, et plus je me détestais. 

J’arrive maintenant au 5 septembre 2020. Mais que s’est-il donc passé de si important? J’ai touché le fond du baril. Je me suis brisée en morceaux. J’ai craqué.

Ce jour-là, nous devions nous réunir avec la famille de mon mari pour célébrer les 90 ans de son père. Les jours précédents, je m’étais parlé beaucoup pour essayer de chasser la honte d’être cette femme faible, cette goinfre. Il suffisait sûrement de me mettre belle pour que ça ne paraisse pas trop, même si j’avais découvert ce matin-là que j’avais repris 40 des 93 livres perdues. Ça faisait des mois que je n’étais pas montée sur la balance pour éviter de me déprimer. Et j’ai choisi ce foutu matin pour le faire. Ça, ça été le premier choc.

Le deuxième choc a été de ne rien trouver d’élégant à porter. Après des mois à m’habiller en mou et en stretch, mes vêtements chics ne me faisaient plus. Je me suis mise à paniquer, essayant plein de vêtements, en vain. Puis j’ai enfin trouvé une robe noire stretch et elle me faisait (disons qu’elle épousait avec beaucoup d’insistance mon corps, mais au moins je rentrais dedans!). Je me suis coiffée et j’étais rendue à me maquiller devant la glace. 

Et c’est là que je me suis vue. C’est là que j’ai pris la pleine mesure d’où j’étais rendue. Et les larmes ont commencé à couler, sans que je puisse les retenir. Puis les sanglots ont pris le dessus. Je n’arrivais pas à arrêter de pleurer.  Je me suis trouvé laide, répugnante, mais ce n’était pas le pire. Je sentais un désespoir si profond que j’en avais mal physiquement. Je me sentais prise au piège.  Je ne pouvais pas me désister sans blesser mon mari. Je devais donc affronter la situation, mais je n’arrêtais pas de pleurer.

Ce n’est pas tant  l’image que je voyais dans le miroir  qui me désespérait, c’était cette déception si profonde en moi qui me faisait mal. Je m’étais encore une fois auto-sabotée, je m’étais laissé tomber, je m’étais abandonnée, et c’est ça qui me faisait mal. Pourquoi, pourquoi, pourquoi? J’ai craqué ce jour-là, et j’étais devant un choix : baisser les bras ou tenter une autre avenue : admettre pleinement que j’avais une maladie mentale sous forme de trouble alimentaire et y faire face. 

J’ai cherché  dans le web une clinique où on offrait une thérapie pour l’hyperphagie boulimique, et j’ai pris un rendez-vous. Voilà,  le pas avait été franchi vers l’inconnu. Peut-être trouverais-je ce qu’il fallait pour me réparer? C’est ce que l’on verra au fil des semaines et des mois à venir.